Croquis L : Une soirée au Crown Bar

Scroll this

L’histoire d’aujourd’hui est une soirée complète qui se déroule dans le plus magnifique de tous les bars que j’ai pu voir en Irlande : le Crown Bar. Pour la mise en contexte, j’ai voyagé en Espagne puis en Irlande au mois de septembre, pendant un peu plus de deux semaines, ces aventures se sont terminées par trois jours dans la ville accueillante de Belfast. À mon arrivée j’ai eu droit à une magnifique vue sur un ancien ouvrage que j’ai pris en photo pour continuer ma route. Comme dans toute auberge de jeunesse, je me suis fait des amis sincères autant qu’éphémères, échanges riches et inspirants, éprouvants aussi lorsqu’ils se répètent trop souvent.

Bref, dans cette auberge, je croise une fille de vingt-et-un ans qui s’appelle Désirée, elle est australienne, jolie, souriante et pleine de vie. Nous sommes samedi soir et elle veut aller prendre un verre dans ce fameux Crown Bar, ma journée a été longue et mon corps dit non, ma tête (n’en doutez pas !) dit oui, je serai en vacances reposantes dans trois jours, autant profiter au maximum de ces moments de partage.

Nous voilà donc partis, remontant Botanic Avenue puis Great Victoria Street, l’opéra est sur notre gauche, le bar sur notre droite, c’est le moment d’entrer. Petit point d’histoire avant de débuter cette folle soirée, ce pub s’appelait au départ le Railway Tavern, il a été racheté en 1885 et rénové à un haut niveau de standard, le tout grâce au propriétaire de l’époque qui avait convaincu les ouvriers italiens qui travaillaient à la construction des églises de faire des heures supplémentaires chez lui. Le résultat est stupéfiant. En 1978 le National Trust, un fond de protection du patrimoine du Royaume-Uni a racheté et rénové l’endroit. Il est tenu par un gérant privé, mais appartient à l’État ! Bien sûr, certains d’entre vous doivent penser que je mets du temps à commencer la narration. Je le sais…
Nous passons la porte latérale du bar et je suis tout de suite émerveillé ! Les boiseries sont magnifiquement sculptées et teintées d’un marron foncé. Au plafond des lampes dont certaines fonctionnent encore au gaz, le travail des Italiens sur les vitraux est magnifique. Je m’assois avec Désirée et je commande une Guinness, elle prend une bière à la mûre (le goût est intéressant). Les discussions sur le voyage vont bon train, elles dérivent sur le changement et l’avenir. Nos verres sont terminés et un serveur nous relance, je propose à Désirée, à nouveau, de lui payer un verre. Elle refuse. Un autre serveur vient nous parler et je finis par offrir de force une consommation à mon amie du soir. À mi-chemin je fais une pause aux toilettes et lorsque je reviens un couple se trouve à côté de mon siège, la quarantaine, l’homme est chauve et costaud, la femme de petite taille, blonde platine, elle porte un T-shirt rose à paillettes et la sangle de sa sacoche se positionne entre ses deux seins ce qui accroît leur volume (je vous ai habitué à moins de détails de ce genre, mais c’est ici nécessaire pour décrire le côté cocasse de la situation). Je propose gentiment mon siège à la demoiselle qui refuse, mais l’homme a décidé de m’aider à m’asseoir. Il me tâte donc les fesses, les hanches et le bas-ventre pour savoir si je me sens confortable… C’est un peu gênant tout de même.

La conversation débute et nous apprenons qu’ils sont venus de Glascow pour le centenaire de la parade religieuse, en couple ? Non, mais ils portent tous deux une alliance. Nous parlons cette fois pays d’origine et la conversation dérive. L’homme nous offre un verre. Désirée s’amuse en rappelant que la rencontre a débuté parce qu’il m’avait touché les fesses et il répond : « C’est le résultat de quinze ans de prison sur un homme. » Ah, l’humour anglais. Plus tard, je retourne aux toilettes et je retrouve à mon retour une ambiance différente. Notre couple d’amis va s’isoler et Désirée m’explique que sa blague n’en était pas une, il aurait purgé une peine de quinze ans d’emprisonnement pour meurtre… un frisson me parcoure l’échine, mais je termine quand même ma bière. Derrière nous, l’homme et la femme, chacun marié de son côté, s’embrassent fougueusement ; pas de risque donc.

Nos bières terminées, le pub s’apprête à fermer et je discute avec un homme qui a l’air bien seul, il doit avoir la trentaine et est avocat à Londres, il a un standard assez distingué. Nous nous rendons dans un autre pub où nous croisons deux personnes très alcoolisées, la quarantaine qui vivaient leur premier, et certainement dernier, rendez-vous, mais, ça, c’est une autre histoire !

Jean-Baptiste Pratt

Soumettez un commentaire